by Manon MEUNIER
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Depuis la réforme de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) initiée en 2022, le paysage de l’accompagnement à la certification a été profondément remanié. L’objectif affiché était clair : simplifier, fluidifier et moderniser l’accès à la VAE grâce à une plateforme centralisée, France VAE, et à une logique de parcours unique. Mais dans ce mouvement de refonte, un maillon essentiel a été sacrifié : le conseil VAE.
Autrefois accessible dans la quasi-totalité des régions, ce service gratuit offrait un premier niveau d’appui déterminant pour les candidats. Plus qu’une simple information, le conseil VAE assurait un rôle de boussole neutre et bienveillante, guidant chacun dans l’identification de ses acquis et la sélection de la certification la plus cohérente avec son expérience, ses capacités, et son projet. Il permettait d’ouvrir le champ des possibles, en assurant une orientation vers toutes les certifications potentiellement accessibles, indépendamment des logiques d’offre ou d’intérêt d’un organisme en particulier.
Le silence des institutions, le bruit des intérêts
Aujourd’hui, ce service n’est plus financé. Et ses conséquences sont majeures. Sur le terrain, deux cas de figure se dessinent. Le premier, le plus fréquent, est celui de l’absence totale de conseil. Ni les demandeurs VAE du droit commun, ni ceux qui passent par la plateforme France VAE, ne bénéficient d’une aide gratuite et impartiale pour s’orienter dans ce dispositif complexe. Beaucoup se retrouvent seuls, face à une galaxie de certifications, à devoir arbitrer sans repères, avec le risque de choisir un parcours inadapté, voire d’abandonner avant même d’avoir commencé.
Dans le second cas, le conseil VAE existe encore… mais à quel prix ? Lorsqu’il est payant, il est souvent de qualité et neutre, mais il reste largement inaccessible aux publics les plus éloignés de la formation – précisément ceux pour qui la VAE représente une réelle chance d’évolution professionnelle ou de reconnaissance. Lorsqu’il est gratuit, il est le plus souvent proposé par des structures qui ont un intérêt direct dans le parcours du candidat : soit elles sont certificatrices elles-mêmes (AFPA, Éducation nationale…), soit elles se positionnent ensuite sur l’accompagnement VAE. Dans les deux cas, la logique de conseil est biaisée. L’objectif n’est plus d’orienter vers la meilleure certification pour la personne, mais vers celle que l’organisme peut valoriser ou facturer.
Une VAE à deux vitesses ?
Ce déséquilibre introduit un véritable risque d’inégalité des chances. Là où la VAE prétendait offrir un accès équitable à la reconnaissance des compétences, elle devient, sans un conseil structuré, un dispositif qui favorise les plus informés, les plus autonomes, ou les plus solvables. Pour les autres, le parcours devient confus, incertain, voire contre-productif.
En somme, sans un cadre structurant du conseil VAE, c’est l’essence même du dispositif qui vacille. On ne peut pas demander à des individus de transformer leur expérience en certification, tout en les privant de l’appui nécessaire pour faire les bons choix dès le départ.
Reconstruire un conseil à la hauteur des enjeux
Comment rétablir l’équilibre ? La réponse est à la fois simple et urgente : réinstitutionnaliser le conseil VAE. D’une part, en intégrant le plus grand nombre de certifications au sein de la plateforme France VAE, afin que les candidats puissent réellement explorer l’ensemble des possibilités qui s’offrent à eux. D’autre part, en délégant la mission de conseil à des opérateurs expérimentés, indépendants des certificateurs, formés et rémunérés pour ce service, dans une logique d’intérêt général, à l’image de ce qui existait avant la réforme.
Le conseil VAE n’est pas un luxe. C’est un levier de justice sociale, d’égalité d’accès et d’efficacité du dispositif. Sans lui, la VAE 2025 risque de devenir une voie chaotique, réservée à une minorité capable d’en décrypter seule les règles. Il est temps de redonner au conseil VAE sa place centrale dans la dynamique de reconnaissance des compétences, pour que chacun puisse véritablement faire valoir son expérience – à armes égales.